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Vers les années 1995-1996, je rencontre, en compagnie de Vincent Deganne (mon compagnon de cordée à l’époque), un extra-terrestre, pour nous : Jacques Lebever. On m’avait parlé au sein du CAF d’un type un peu « rustre » qui passait tous ses week-ends sur le site de Flamanville à faire du coinceur et à nettoyer des voies.

 On a donc décidé d’aller voir… Et, là, ce fut la révélation. Un terrain de jeu exceptionnel: malgré le peu de hauteur, l’ambiance était bien présente, sûrement liée à la présence de la mer, aux lignes esthétiques du rocher et à l’engagement qu’impose l’escalade sur coinceurs.

Pour nous qui ne parlions que Montagne et grandes voies rocheuses dans les Alpes, ce site deviendra un excellent terrain d’entraînement.

Jacques Lebever, lui, était ravi, car il avait trouvé en « ses 2 jeunes fous » -comme il disait-, de bons cobayes. Jacques, seul en semaine, grimpait souvent en auto-assurance, nettoyait et bichonnait ses voies. Et le WE, il nous envoyait dans ses dernières trouvailles. Il connaissait toutes les prises, toutes les possibilités de coincements. Il grimpait aussi parfois avec les Caennais lorsqu’il les croisait de temps en temps sur la paroi.

Mes meilleurs souvenirs à l’époque : l’ouverture, en compagnie de Jacques, des « Gouillots » (secteur le bivouac) ; une voie de 3 longueurs sur une falaise haute de 35m en train de chercher les points verts peints par Jacques pour trouver la voie traversant au-dessus du grand toit. A chaque mètre d’escalade, j’écoutais  le descriptif de Jacques et la direction à prendre. Au fur et à mesure de l’escalade, le son de la voix de Jacques diminuait, contrecarrée par le bruit des vagues. Grande sensation de seul au monde dans cette face.

L’autre bon moment, ce fut l’escalade de Captain Flam (6A, secteur captain flam) en compagnie de Vincent Deganne qui était parti en tête. Au niveau du crux, Vincent ne pouvait revenir en arrière, une jambe tremblait puis tout s’est mis à trembler. Le dernier coinceur était déjà loin, il décida alors de lancer un gros excentrique dans une faille qu’il avait repérée mais qu’il ne réussissait pas à atteindre. Epuisé, il se pendit dessus et par miracle, le gros boulon tint. Ouf!

Jacques délaissa un peu le site de Flamanville qu’il trouvait trop dur par rapport à sa nouvelle trouvaille : le Nez de Voidries dans la Hague. C’est moins dur, c’est plus haut (45m) mais c’est beaucoup plus chaud!! La qualité médiocre du rocher crée une incertitude supplémentaire à l’escalade d’où des noms d’ouverture comme Armageddon…Là aussi pas mal de dimanches passés en sa compagnie et des grosses émotions parfois…

 

Il s’en est passé des années à arpenter ce site de Flamanville, ses secteurs, à rechercher et grimper des nouvelles lignes de fissures et aussi à imaginer des lignes dans ses boucliers de dalles ou fissures bouchées.

Et oui,  comme dans tous les sites d’ailleurs, si le granit de Flamanville se prête souvent bien à la pose des coinceurs, il arrive parfois que certains passages ou zones soient dépourvues de fissures ou de solutions pour se protéger. Plusieurs choix s’offrent alors:

- Les grimper en solo ou en escalade exposée avec un risque de retour au sol très important sur une bonne partie de la voie. Certains le font. Ils ont le niveau qui leur permet d’être à l’aise. Ils ont la chance de la sortir et de s’en sortir. Ils l’annoncent sur un topo, ça flatte leur égo et la voie n’est jamais refaite (même par eux!).

- Rester à les imaginer.

- Ou à la mode « Piola » comme dans le massif de Chamonix : poser les quelques points strictement nécessaires pour faire cette voie dans un engagement mesuré. C’est ce choix, réfléchi et muri, que j’ai effectué pour l’ouverture de ces quelques lignes que j’avais repérées depuis tant d’années et qui me semblaient « majeures » depuis un bout de temps. Avant de juger ou critiquer, allez grimper « l’Océan du vide », « Zoématelot », « Yes, we can », « Au sombre héros de la mer », vous verrez que ces voies sont loin d’être des échelles à spits, voir des via-ferrates comme j’ai pu le lire. D’ailleurs, n’oubliez pas vos coinceurs, ils vous seront fort utiles.

Quelques relais ont aussi été équipés en haut de voies pour faciliter l’accès, pouvoir grimper par marée assez haute et éviter de grimper dans des pentes d’herbes et de terres pour aller entourer le seul pauvre rocher avec sa sangle de 4m. Je suis d’ailleurs content que ces relais aient pu permettre parfois l’ouverture de nouvelles lignes entièrement sur coinceurs. Le seul relais de « l'océan du vide », a, par exemple, permis l’ouverture de 3 lignes dont 2 entièrement sur coinceurs. Bien sûr il y a toujours des professionnels de la critique qui, suivant leur niveau d’escalade, pensent que tel ou tel spit n’était pas obligatoire…la guerre des pitons n’est pas terminée…

Enfin un site qui vit est un site qui est pratiqué. J’organise depuis des années des sorties coinceurs « terrain d’aventure » au sein des activités du CAF Cotentin. (5/6 sorties par an sur Flamanville). Il n’y en a pas beaucoup, des clubs de « plaines» à organiser des sorties terrain d’aventure et à faire découvrir à des personnes intéressées l’escalade sur coinceurs! Si on veut que l’activité perdure, il faut la faire découvrir et éviter qu’elle ne soit réservée qu’à une élite à l’égo surdimensionné. Mais la responsabilité est grande d’emmener des personnes découvrir ce genre d’escalade même si ce sont déjà  des grimpeurs perfectionnés. Ce n’est pas comme y aller avec son pote.

L’engagement, même dans les voies faciles, doit rester mesuré. Il en faut pour tous les goûts et les niveaux. Alors oui, la pose d’un seul spit peut permettre d’effectuer une voie qui auparavant n’aurait jamais été reprise.

 

L’apparition de nouvelles voies dans certains secteurs entraina l’apparition d’un topo téléchargeable gratuitement sur le site du CAF Cotentin inspiré fortement de celui de JC Laville. Nouveauté imprégnée des pays anglo-saxons, les voies sont cotées par difficulté et engagement (de E1 à E4). Mais tout cela reste très subjectif.

 

A lire certains propos, on aurait assisté à un véritable ferraillage de la falaise du sémaphore. Ne vous inquiétez pas, le site reste très typé « terrain d’aventure ». Amis bretons, ne vous attendez pas non plus à un site comme Pen-Hir où l’on alterne entre voies sportives et voies T.A. Ici ce sera 95% voies T.A et 5% voies mixtes (coinceurs et quelques spits) et c’est très bien ainsi.

 

Enfin la nature, en l’occurence ici la mer et l’érosion, poursuit son travail de renouvellement des voies. La voie « Florilège » dans le secteur bivouac n’existe plus. Elle s’est éboulée de haut en bas modifiant aussi le bas de « la Chiure ». Une zone importante du secteur « Dévers » s’est elle aussi éboulée. Une érosion lente et continue se poursuit tranquillement sur le haut des voies. C’est comme ça, on est finalement pas grand chose…

 

Pour finir, l’escalade dans le Nord-Cotentin et notamment sur la côte ouest ne date pas d’hier. Des vestiges d’équipement ont été retrouvés un peu partout: dans des secteurs sur Flamanville (secteur du dévers: quelques vieux spits, secteur des terrasses: 1 vieux spit et 1 vieux clou, secteur du bivouac: quelques vieux clous), sur les falaises de la Fauconnière et même sur une face de la Montagne du Roule sur Cherbourg!

Selon mes recherches, ces équipements dateraient des années 80. A l’époque, une section Escalade s’était crée à la COGEMA (AREVA maintenant) mais je n’en sais pas beaucoup plus. Je pense seulement que Yves COTTEBRUNE en faisait partie? C’est lui qui propose maintenant la visite des grottes de la Hague au départ de l’auberge de Jobourg.

 

 

Tag(s) : #Escalade en Basse Normandie, #flamanville, #Histoire
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